Madagascar est un pays riche d’une histoire complexe et d’une identité vivante. Pourtant, dès que l’on évoque les habitants ou la langue, une question linguistique et culturelle revient souvent : doit-on dire “Malgache” ou “Malagasy” ?
Cette distinction, loin d’être anodine, renvoie à des enjeux profonds liés à la colonisation, à la langue et à la construction identitaire.
La colonisation française à Madagascar : une histoire qui marque encore
La France a colonisé Madagascar à partir de 1896, après des décennies d’interventions commerciales et militaires. Pendant près de 65 ans, elle a mis en place un système colonial rigide, imposant sa langue, ses lois, et son administration.
La langue française est devenue la langue officielle, enseignée dans les écoles, utilisée dans l’administration et la presse.
Dans ce contexte, le terme “Malgache” s’est imposé dans la langue française pour désigner les habitants de l’île, leur langue, et leur culture.
Ce terme, imposé d’en haut, faisait partie intégrante d’une politique linguistique visant à intégrer Madagascar dans l’empire colonial français.
Mais cette imposition ne fut pas neutre : elle s’accompagnait d’une dévalorisation systématique de la langue et de la culture malgaches, perçues comme inférieures ou archaïques.

La langue malgache : un socle identitaire qui résiste
La langue malgache est au cœur de l’identité de Madagascar. D’origine austronésienne, elle est parlée par près de 25 millions de personnes à travers l’île, avec une grande richesse dialectale.
Malgré la domination du français, la langue malgache a survécu, portée par les traditions orales, la vie quotidienne, la famille, et les arts. Après l’indépendance en 1960, elle a été réhabilitée et est redevenue langue officielle aux côtés du français.
Le mot “Malagasy” est le terme authentique que les habitants utilisent pour se désigner eux-mêmes, leur langue, et leur culture. C’est une revendication forte d’identité, de fierté, et d’autodétermination.
Malgache dans la langue française : héritage colonial et perception actuelle
En français, le terme “Malgache” est encore largement utilisé. Présent dans les dictionnaires, les médias et les textes officiels, il est généralement perçu comme un mot courant et neutre, sans connotation particulière pour la plupart des francophones, de la même manière qu’on dit “Anglais” plutôt que “English”.
Pourtant, il reste lié à un passé colonial douloureux. Il évoque une époque où Madagascar n’était pas maître de son destin, où sa langue et sa culture étaient subordonnées à une puissance étrangère.
Cette double perception crée parfois des tensions, notamment parmi les Malagasy eux-mêmes, qui peuvent préférer qu’on utilise leur propre mot : “Malagasy”
Malagasy : un terme d’affirmation culturelle et politique
Le choix de dire “Malagasy” dépasse le simple vocabulaire. C’est un acte politique et culturel, une manière de revendiquer son identité propre face à un passé de domination.
Depuis l’indépendance, ce terme est associé à des mouvements culturels qui valorisent la langue, les traditions, la littérature, et l’histoire de Madagascar racontée par ses habitants.
Utiliser “Malagasy” est ainsi un signe de respect, une reconnaissance de la souveraineté culturelle d’un peuple.
Quel usage aujourd’hui ?
Aujourd’hui, dans Madagascar et à l’étranger, la question se pose encore.
- Les médias francophones continuent d’utiliser “Malgache” par habitude et norme.
- Dans les milieux académiques, culturels, et diplomatiques, “Malagasy” est de plus en plus privilégié.
- Parmi les Malagasy, on trouve une forte préférence pour “Malagasy” qui incarne leur identité vivante.

Les mots, témoins d’une histoire et d’une identité
Les termes “Malgache” et “Malagasy” racontent une histoire : celle d’une île magnifique, d’un peuple fier, marqué par une colonisation longue et difficile, mais qui a su préserver et réinventer son identité.
Pour les voyageurs et les professionnels, comprendre la différence entre “Malgache” et “Malagasy” aide à créer des échanges plus respectueux et sincères avec les habitants.
En tenant compte de cette nuance, on montre qu’on respecte leur histoire, notamment celle de la colonisation, et leur culture actuelle.
Ce qu’ils en pensent…
Tsilavina : “C’est une question qui résume toute une crise identitaire en chacun de nous, déstructuré par une histoire commune qu’on a vécu pour arriver jusqu’ici. Monarchie, Colonisation, Néocolonialisme …
Mais après, personnellement, je crois qu’aujourd’hui, pour les Malagasy, ce n’est plus vraiment un débat entre eux. Il y a eu une période où ce sujet a été largement discuté, mais au final, aucun consensus n’a été trouvé. Je pense qu’on en est simplement venus à la conclusion qu’il s’agissait surtout d’une question de prononciation. Le terme “Malagasy” reste un mot autochtone, mais il est souvent difficile à prononcer pour les étrangers.
Lala : “Pour ma part, « Malgache ou Malagasy » dépasse aujourd’hui le stade de simples mots et revêt une dimension plus émotionnelle, rattachée à la période coloniale. Pour beaucoup de Malagasy encore, et surtout les plus patriotes, utiliser le mot « Malgache » est perçu comme un manque de respect, voire comme une forme d’atteinte à leur dignité et à leur identité, surtout lorsqu’il est employé par un étranger. Le cas de ces deux mots reflète aujourd’hui un besoin fort d’indépendance culturelle et une reconnaissance de leur vraie identité, libre de toute influence coloniale.”
Tsitoha : À mon avis, cela dépend du contexte, qu’il soit international ou national.
Sur le plan international, le mot « Malgache » est très utilisé, par exemple : “C’est une personne de nationalité malgache”.
En revanche, sur le plan national, on privilégie l’usage du mot “Malagasy”, car il reflète l’authenticité de la langue, de la culture et du peuple. Cela se constate notamment dans les documents officiels de l’État, on emploie davantage le terme “Madagasikara” plutôt que « Madagascar, pour souligner l’identité nationale et culturelle.
Rindra : À mon avis, le mot « Malagasy » est l’origine du terme “Malgache”, qui est souvent utilisé pour différencier le peuple malagasy avec des autres peuples. Historiquement, d’après ce que j’ai entendu, le mot “Malgache” serait né pendant la période coloniale dans le but de rabaisser ou de dévaloriser les Malagasy. Les autorités malagasy auraient même déjà pris la décision de demander que l’on cesse d’appeler les Malagasy “Malgaches” et de ne plus utiliser ce terme. Et je suis tout à fait d’accord avec cela car l’usage du mot “Malagasy” reflète le respect de l’identité et de la souveraineté du peuple malagasy. Mais je ne sais pas si cette décision est encore en vigueur aujourd’hui.