L’épopée du saphir

13.06.16

Madagascar possède une richesse gemmologique hors du commun. À des degrés divers, se trouvent dans la Grande Ile, la quasi-totalité des pierres précieuses qui font rêver : diamants, émeraudes, rubis et, surtout, saphir.

L’histoire du saphir à Madagascar

Extraction

Le saphir est une gemme de corindon qui offre de multiples couleurs, à l’exception du rouge qui désigne le rubis. Le saphir est surtout présent dans les zones tropicales humides, Sri Lanka, Birmanie, Inde, Thaïlande et Brésil.

Le plus emblématique des sites d’extraction du saphir est celui d’Ilakaka qui se trouve à 735 km.au sud de Tananarive, à la lisière du parc national de l’Isato. En 1946, ce sont des géologues français qui ont procédé aux premières recherches. L’instabilité politique et la sanglante révolte qui allait éclater un an plus tard ont mis fin à cette prospection. Au-delà de ces raisons, il faut ajouter une importante technique développée depuis. Grâce à un traitement thermique des plus difficile à détecter, une pierre à l’apparence trouble devient pure et présente une couleur intense. Cette nouvelle apparence permet de prétendre qu’il s’agit d’un saphir non traité, censé provenir du Sri Lanka où se trouvent, au naturel, les plus belles pierres de ce type. Le prix de la pierre ainsi traité devient sans commune mesure par rapport à son prix initial.

La prospection

C’est à partir de 1998 que le gisement de saphir de l’Ilakaka a été redécouvert grâce à la trouvaille fortuite d’un saphir, par un paysan de l’ethnie Bara. Les experts considèrent ce gisement comme le plus important au monde avec une espérance d’exploitation d’au moins quarante ans. En quelques jours, la petite bourgade va connaître une ruée digne de celle de l’or en Amérique, à la fin du XIX° siècle. Elle compte rapidement plus de 30 000 prospecteurs. Se met en place une artère principale bordée par des échoppes de commerçants, des débits de boissons et autres maisons closes. La violence, l’alcool, la drogue, la prostitution s’installent. Les règlements de compte et les conflits d’intérêts entre la minorité de ceux qui fouillent légalement et les clandestins qui sont la majorité sont courants. L’état essaie de réagir en imposant la présence de policiers armés retranchés derrière des barbelés à chaque extrémité de la ville. Ils sont censés faire respecter un couvre-feu à partir de vingt et une heures.

Les mineurs

Derrière ces alignements de baraquements, se cache la misère d’une population qui a tout abandonné pour répondre au mirage des chimères dans l’espoir de trouver « la » pierre qui assurera son avenir. Tous les jours ces mineurs tentent leur chance en creusant des puits et galeries mal ou pas étayée. En effet, bien souvent, ils doivent choisir entre l’achat de bois d’étayage ou une ration de riz. Le choix s’impose et les éboulements font de nombreuses victimes. 95% des prospecteurs ne découvrent rien. Sur les 5% restant, 3% ne ramènent que des pierres sans grand intérêt et les derniers 2% de pierres de valeur. Le marché est contrôlé par les Sri-lankais et les Thaïlandais. Ces acheteurs qui réalisent des bénéfices de plus de 100% s’entendent entre eux pour proposer les prix les plus bas aux mineurs qui bien souvent se sont endettés auprès d’eux et auxquels ils ne laissent pas d’autre choix.

19 000 d’enfants travailleraient dans la région d’Ilakaka, la plupart dans les mines de saphir. A Madagascar, il n’est en théorie permis de travailler qu’à compter de l’âge de 15 ans, mais peu s’y tiennent :

Les sites d’extraction

Cet afflux de population entraine une cohabitation dans des conditions catastrophiques avec les ordures et les déjections humaines abandonnées à l’air libre. Il faut ajouter la pollution des eaux causée par le tamisage de la terre extraite du sol pour que toutes conditions d’une catastrophe écologique soient réunies. De plus, il semblerait que le filon de saphir s’étende sous le parc national de l’Isato. On ne peut que craindre pour son avenir.

Cette description du site d’Ilakaka peut s’appliquer à bien d’autres dont le nombre augmente plus ou moins régulièrement en fonction des découvertes. Au sud de Madagascar, à 25 km de Sakaraha se trouve le gisement d’Ankiliabo. Les mineurs clandestins s’enfoncent sous terre dans d’étroits et profonds puits. La terre extraite est remontée en surface au moyen de seaux dont s’emparent femmes et enfants pour la tamiser dans les eaux du fleuve Fiherenana. La teneur de ce filon serait de 1,5g de saphir par mètre cube de terre.

© AFP GIANLUIGI GUERCIA

Beauté du saphir

Pourraient également être cités, Maromiandry, Vohimena, Sakalama, Andilamena, etc… Un site, cependant, mérite, une mention particulière. Il se trouve à 80 km de Nosy Bé, à proximité d’une agglomération du nom d’ Ambodromifehy. Exploité depuis 1996, on y découvre le plus rare des saphirs, le saphir rubané à l’apparence étoilée. Depuis l’antiquité, cette pierre est réputée pour son pouvoir censé favoriser la vie spirituelle. Les hindous comparent cette pierre au 3e œil. Une pierre sur 10 000 offre cette particularité et la production malgache est réputée être la plus belle au monde.

La législation prévoit que tout mineur déclaré est censé tenir un registre d’extraction et que chaque pierre doit être accompagnée de son certificat d’origine. Bien peu respectent cette réglementation. Les mineurs sont ceux qui courent le plus de risques et ce sont ceux qui gagnent le moins. La plus grande partie du commerce des pierres précieuses est aux mains de réseaux illicites ce qui entraine une importante perte de revenus pour l’état malgache. Depuis quelque temps, la prospection du saphir commence à être un peu délaissée par rapport à celle de l’or. La revente du métal jaune est moins aléatoire que celle du saphir dont le prix varie en fonction de nombreux facteurs : rareté, taille, couleur et défaut.

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